Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 février 2017 4 16 /02 /février /2017 11:11

 

Souvenirs bruts sans fioritures, souvenirs tronqués par le prisme du temps, souvenirs floutés par les brumes alcooliques, souvenirs travaillés d'un poète.

Tranches de vie, un instant de pure joie, une journée particulière, une semaine de sexe, un mois d'abstinence, une veillée mortuaire, une nuit de cauchemar, un trimestre d'amour toujours, le temps qui passe inexorablement en laissant des traces plus ou moins visibles, comme des cicatrices de vie.

Éclats d'humour, gestes d'humeur, éclats de rire, larmes futiles, tout y passe et se répète au cours de ces 43 nouvelles pleines de vie et de mort et qui passent sans complexe du passé au présent et du présent au passé. Pas de continuité donc, juste l'égrainage de sensations, d'odeurs, d'émotions qui se retrouvent et se recoupent parfois sans tenir compte du fil du temps.

Une plume riche, vivante qui transmet parfaitement les ressentis de l'auteure ; elle ne trace que des instants, vifs, horribles, odorants, joyeux, haineux. L'auteure parle avec ses tripes et chaque fois sur un événement particulier, petit ou grand, et son humour alors se déploie en même temps que ses joies et ses chagrins.

Pour le fond, l'auteure n'a finalement pas vraiment besoin d'imagination, sa vie, ses expériences multiples, métiers, maisons et amants, sont largement suffisantes pour nourrir ses écrits. Et c'est pour cela qu'ils touchent car ils sont au plus près de la vie, au plus près de ses vies.

Un peu triste de constater que ce recueil comporte quand même plusieurs nouvelles qui pourraient être à chaque fois des réécritures, avec plus de détails ou juste un temps d'avant ou un temps d'après en plus. Ainsi, pour moi, un choix plus serré aurait été plus puissant en émotions même si le vécu raconté reste le même.

 

« Le bruit des osselets était magique à mes oreilles, comme des baguettes sur un tambour ou bien la pluie, lorsqu'une bourrasque la fait chatoyer contre la vitre. »

 

« J'ai refusé d'aller identifier ton cadavre, Ter, causant bien du tracas. J'avais peur de te frapper à cause de ce que tu as fait. Mourir. »

 

« Voici ce que je sais au sujet de la Mort : plus la personne fut bonne, aimante, heureuse et bienveillante, moins sa mort laisse un vide. »

 

« Lorsque nous sommes devenues amies, à l'âge adulte, nous avons mis plusieurs années à évacuer nos ressentiments et jalousies. Ensuite, alors que nous étions toutes les deux en psychothérapie, il nous a fallu des années pour expulser notre colère contre notre grand-père, notre mère. Notre mère cruelle. Et encore d'autres années pour notre colère contre notre père, le saint, dont la cruauté n'était pas aussi flagrante. »

 

« Dieu accorde l'oubli aux ivrognes parce que s'ils savaient ce qu'ils font, ils en mourraient de honte. »

 

Le San Francisco Chronicle a dit de Lucia Berlin : « L'un de nos plus grands écrivains » et un autre magazine, américain toujours, l'avait qualifiée de « meilleur écrivain dont vous n’avez jamais entendu parler », un peu réducteur pour le monde littéraire américain quand même ;-)

Un grand merci en tout cas à Babelio et aux éditions Grasset pour cet ouvrage reçu dans le cadre de la dernière masse critique.

Partager cet article
Repost0

commentaires