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28 mars 2017 2 28 /03 /mars /2017 09:02

 

Jour après jour, la vie est faite de ces petites choses énervantes, répétitives, ennuyeuses ; petites choses qu'il faut juste faire pourtant… Petites choses qui mises bout à bout font le terreau de la vie.

Et on a le choix, accueillir cet éternel recommencement avec le sourire, voir le soleil sous l'épaisse couche nuageuse ou alors, décider de ne rien faire, de tout noircir car finalement, pour tous, la fin du chemin est le même. Et pour faire bonne mesure, dans ce chemin de vie, l'auteur ajoute la peur de la mort qui obscurcit la vie, la jalousie qui rétrécit le cœur, la haine finalement qui étrangle l'âme et la rend aussi noire qu'une mer de tempête. Tout cela dans un décor fabuleux où la mer tantôt bleue, tantôt grise, rythme les jours, tantôt bleus, tantôt gris. Les marées égrainent alors le temps, minent la terre, apportent malheur et désespoir, bonheur et richesse et, toujours reviennent et se parent parfois d'une étrange douceur, parfois d'une violence inouïe.

Un roman qui ne laisse pas indifférent, qui pointe du doigt le germe des grandes disputes familiales que l'on retrouve tous dans notre environnement plus ou moins proche. Et cette graine mauvaise, cette jalousie malsaine, débouche souvent sur une haine aux sources oubliées qui pourrit la vie de tous même si les mains restent tendues, même si les pardons sont lâchés comme des ballons libérés, même si les rancœurs sont effacées d'un coup d'éponge.

 

« Il n'y eut désormais, entre elles deux, qu'un échange rapide de regards, à certaines heures : le regard fixe et inquiet de la nièce, quand elle devinait un nouvel emprunt ; le regard vacillant de la tante, irritée d'avoir à tourner la tête. C'était comme un ferment de haine qui germait. »

 

« Ce secrétaire vénérable, qui, bourré d'une fortune, avait d'abord donné à la maison un air de gaieté et de richesse, la ravageait aujourd'hui, était comme la boîte empoisonnée de tous les fléaux, mâchant le malheur par ses fentes. »

 

« Qui vous a dit que je ne croyais pas en Dieu ?… Dieu n'est pas impossible, on voit des choses si drôles !… Après tout, qui sait ? »

 

« Alors, sous l'obsession de l'étude qu'il faisait sans cesse de son corps, il croyait à chaque instant que tout allait craquer, que les organes s'usaient et volaient en pièces, que le cœur, devenu monstrueux, cassait lui-même la machine, à grands coups de marteau. Ce n'était plus vivre que de s'entendre vivre ainsi, tremblant devant la fragilité du mécanisme, attendant le grain de sable qui devait le détruire. »

 

« L'orgueil de son abnégation s'en était allé, elle acceptait que les siens fussent heureux en dehors d'elle. C'était le degré suprême dans l'amour des autres : disparaître, donner tout sans croire qu'on donne assez, aimer au point d'être joyeux d'une félicité qu'on n'a pas faite et qu'on ne partagera pas. »

 

Alors, comme la vie est bien trop courte pour s'encombrer de relations non partagées, coupez les branches vérolées et entretenez avec le cœur l'arbre sain, c'est mon conseil du jour :-)

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23 mars 2017 4 23 /03 /mars /2017 10:45

 

Quelle découverte… Un ouvrage court et magistral… Un petit bijou de poche...

Un roman charmant où les mots dansent, se rencontrent, se marient, divorcent, s'associent, se retrouvent, se perdent aussi, se mélangent et s'éclatent tout en respectant les règles du bon ordre.

Une petite histoire bien instructive comme une fable à réciter, un conte à raconter, un livre à lire aux enfants curieux.

Un récit finalement bien court pour les adultes, pour les petits, pour les mamans et les papas, pour les profs aussi et pour les grands-parents, pour tous les amoureux des mots et de la langue française, pour ceux qui aiment lire et parler et écrire…

Une aventure extraordinaire qui m'a bouleversée alors qu'elle ne parlait que de mots et de grammaire :-)

Et pour la grammaire, l'auteur l'a chantée en poésie, en rimes et en prose, et tout semble alors tellement plus simple !

Il faut dire que le bagou pseudo intellectuel des soi-disant penseurs qui composent les divers programmes scolaires en utilisant du vent à la place de mots ne sont là que pour nous montrer à quel point ils se pensent supérieurs à nous...

 

« Bénissez la chance, mes enfants, d'avoir vu le jour dans l'une des plus belles langues de la Terre. Le français est votre pays. Apprenez-le, inventez-le. Ce sera, toute votre vie, votre ami le plus intime. »

 

« Il faut faire attention aux mots. Ne pas les répéter à tout bout de champ. Ni les employer à tort et à travers, les uns pour les autres, en racontant des mensonges. Autrement, les mots s'usent. Et parfois, il est trop tard pour les sauver. »

 

« Les mots aiment le papier, comme nous le sable de la plage ou les draps du lit. Sitôt qu'ils touchent une page, ils s'apaisent, ils ronronnent, ils deviennent doux comme des agneaux, essaie, tu vas voir, il n'y a pas de plus beau spectacle qu'une suite de mots sur une feuille. »

 

« Un écrivain a pour métier la vérité. Laquelle a pour meilleure amie la liberté. L'animal par nature étant plus libre que l'humain, nul ne prête plus attention à ses propos que l'écrivain. »

 

Bien envie de me plonger directement dans « Les chevaliers du Subjonctif »… Pas possible tout de suite pourtant, l'auteur n'est heureusement pas encore mort et ne peut donc pas être au Panthéon ;-)

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20 mars 2017 1 20 /03 /mars /2017 10:28

 

A la date du 27 février, le roman ne comptait que 4 critiques sur le site et donc, bingo, je peux lire la suite tant attendue et remplir le prochain item « Un livre qui compte moins de 5 critiques sur Babelio » :-)

Misère de misère, je prends deux fois plus de temps à lire les romans truffés d'Histoire car j'aime voir les lieux et découvrir les personnages en « vrais ». Et donc, pour un chapitre de lu, je passe le double du temps sur internet pour m'instruire et me cultiver sachant que je ne retiendrai de mes lectures culturelles qu'un misérable pouième ;-) Quel plaisir quand même de visualiser les personnages, les moments historiques et les différents lieux cités comme si j'y étais.

Parlons un peu du livre maintenant qui voit la fin du règne de Louis XIII, le début de celui de Louis XIV sous tutelle, la fronde et bien sûr les péripéties de notre héroïne qui continue son chemin dans les couloirs de l'Histoire.

 

« Le chemin de l'eau, plus lent sans doute, était tellement plus agréable que les carrosses d'apparat où l'on était si fort secoués ! »

 

« Je la porte en moi depuis le premier regard échangé dans le parc de Fontainebleau, si intimement liée à moi que si elle avait cessé de respirer, si son cœur ne battait plus, le mien se serait arrêté aussi et je l'aurais ressenti dans chaque fibre de mon corps comme l'une de ces blessures mortelles par lesquelles le sang s'écoule... »

 

Trois semaines pour une misérable critique voilà le résultat de vacances plutôt physiquement éreintantes où même le poids d'un livre semble impossible à tenir ;-)

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27 février 2017 1 27 /02 /février /2017 21:33

 

Et là, j'angoisse…

Une descente aux enfers qui vous prend aux tripes, pas une rigolote comme celle d'Amélie dans « Stupeur et tremblements », pas une fantaisiste que l'on remonte facilement, une glissade glaçante qui interroge et d'où l'on ressort toute secouée.

J'aime les vieilles maisons ! Pour moi, elles ont toutes une histoire à raconter, gaie ou triste, peu importe finalement, ce sont leurs histoires. Et les murs parfois gardent en leurs briques quelques souvenirs, un sabot décoré, un bol en céramique légèrement ébréché, l'écho d'une sorcière qui fait encore peur aux voisins même si la dernière a été brûlée voilà quelques deux cents ans… Et pour moi, ça s'arrête là, des trésors amusants et quelques légendes du terroir.

Mais si l'horreur pouvait imprégner les murs, faire frémir les cœurs les plus endurcis, faire ressortir le drame d'une vie, alors, la folie guette et l'angoisse surgit.

 

« Une femme qui maniait le html, c'était rébarbatif, sauf si elle avait un physique. »

 

« Je ne sais pas si elle a crié, mais la chambre est encore prégnante d'une horreur tangible, d'un hurlement qui s'éternise et qui racle mes tympans de sa stridence. »

 

« J'avais peur. Chaque lieu avait désormais une histoire, son histoire, ses drames, ses peines. J'avais peur, une peur bleue, peur du bagage émotionnel d'un lieu de vie, peur de la mémoire des murs. »

 

« Je préférais « Sagamor » pour sa sonorité douce au départ, puis sa fin brutale, grave. Je l'aimais parce q'uil était composé de « saga » pour l'histoire, puis d'amour et de mort. »

 

Une plume admirable, un rythme affolant, une belle et triste histoire qui se lit d'une traite et continue à vous bouleverser même quand le livre est refermé.

Pas le genre de romans que je dois lire trop souvent, ça fait par trop grimper mon anxiété naturelle…

 

01/06/2018

 

Et pourtant, un peu plus d'un an après, me revoilà avec ce roman dans le cadre d'un échange de lecture. Je n'ai pas été voir ma critique avant de l'avoir relu et là, je constate que mon ressenti n'est pas le même.

A ma première lecture je me suis laissée prendre dans la mémoire des murs car je suis personnellement sensible aux différents ressentis lors de la visite de vieilles demeures. Et je me suis, peut-être, un peu trop concentrée sur cet aspect qui me passionne un peu.

Finalement, cette mémoire qui peut imprégner un lieu de vie n'est ici que le déclic d'une descente aux enfers d'une femme qui n'a pas pu, pas su, pas voulu faire le deuil de sa petite fille. Deuil qui resurgit alors dans le kaléidoscope de sept jeunes femmes assassinées par un tueur en série bien des années avant.

Le titre est magnifique même si l'histoire des murs n'est qu'un prétexte à la fuite en avant et à l'horreur de la perte d'un enfant.

L'écriture est toujours aussi belle et cette relecture montre bien qu'un livre a souvent plusieurs ressorts mais aussi que le moment où on le lit nous marque différemment.

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27 février 2017 1 27 /02 /février /2017 21:15

 

« Si l'absurde ne te tue pas, il ne peut que te grandir », et dans le cas de l'auteure, une source facile pour son septième roman.

Que dire de cette lecture rapide, facile, un rien dérangeante mais néanmoins truffée d'humour, si ce n'est qu'elle n'a pas été pour moi aussi transcendante que celle de la « Métaphysique des tubes » !

Dans ce court roman, mais ceux d'Amélie le sont toujours, l'auteure, pour se plier à la mentalité nippone et à son code d'honneur, n'hésite pas à se rabaisser tout du long, et c'est perturbant. Dérangeant d'autant plus qu'étant née dans ce monde, elle en connaissait bien les règles.

Accepter un poste dans une grande entreprise nipponne pour voir de l'intérieur que la vie des fonctionnaires japonais est tout sauf une vie, il faut du courage ; accepter les insultes et rester en place pour ne pas perdre la face, une forme d'abnégation ; en sortir un roman qui recevra le Grand Prix du roman de l'Académie française en 1999, une bonne farce.

 

« Elle avait le plus beau nez du monde, le nez japonais, ce nez inimitable, aux narines délicates et reconnaissables entre mille. Tous les Nippons n'ont pas ce nez mais, si quelqu'un a ce nez, il ne peut être que d'origine nippone. Si Cléopâtre avait eu ce nez, la géographie de la planète en eût pris un sacré coup. »

 

« Si tu es une belle fille, tu ne seras pas grand-chose ; si tu n'es pas une belle fille, tu seras moins que rien. »

 

« Entre le suicide et la transpiration, n'hésite pas. Verser son sang est aussi admirable que verser sa sueur est innommable. Si tu te donnes la mort, tu ne transpireras plus jamais et ton angoisse sera finie pour l'éternité. »

 

Une vision très réductrice de la société japonaise, un aperçu tellement négatif qu'il ne peut qu'être exagéré, un instantané qui ne donne pas envie du tout de découvrir le Japon… Un peu triste quand même.

 

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26 février 2017 7 26 /02 /février /2017 16:24

«Le triporteur» de René Fallet.

Une lecture charmante, pleine d'humour et de poésie.

Un hymne à l'amour et à la liberté.

Une douce mélodie rythmée par le temps qui passe, par le temps qu'il fait.

Un chant d'espoir pour la jeunesse et ses rêves les plus fous.

Un intermède naïf pour les amoureux des fourmis, des escargots, des pissenlits et de la rosée du matin.

Un clin d’œil narquois au monde bêtement matérialiste.

Une médaille pour les habitants du village de Saint-Flebène.

Une apologie de la paresse gourmande, philosophique, constructive et somnolente.

Une symphonie tonitruante pour un match de coupe de France.

Un sourire à la vie sans souci…

 

« Imbibée de courriers du cœur, elle s'identifiait avec la fille-mère abandonnée, la pucelle dévorée de points noirs, la femme de trente ans amoureuse du garçon laitier et l'éternelle-sentimentale-déçue-par-la-vie. »

 

« Privée de fesses, gonflée de seins déjà pessimistes, Marceline Godefroid avait, malgré ses dix-huit ans, le teint d'un dos de vieux missel et des cheveux d'avoine. »

 

« La marche d'Augustine tenait de celles de l'écrevisse, du crapaud, de l'invalide du travail, du poivrot licencié, du canard amoureux et des premiers pas de bébé. »

 

« Cognac, soleil de l'estomac, délice du palais, ruisseau d'astres, flamme des yeux de femme, sang blond des anges bleu marine, cognac, c'est sur l'allègre tympanon des cristaux où l'on boit que je te chanterai ! »

 

« Oh ce baiser… Il était de ceux que l'on raconte sur son lit de mort en murmurant : « Ça valait le coup de vivre et de s'ennuyer soixante ans ». »

 

Une plume merveilleuse, qui se lit comme un poème, qui se boit comme un chocolat chaud, qui se déguste comme une dame blanche, qui donne chaud au cœur et fait sourire et rire et sourire encore.

Une histoire sans prétention, d'un jeune homme sans prétention, d'un rêve, eh bien, qui n'est pas le mien mais qui passe bien car les mots pour le dire sont tellement beaux que le sujet devient finalement secondaire.

Un auteur oublié qui mérite le détour ;-)

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23 février 2017 4 23 /02 /février /2017 09:21

 

Des enluminures aux livres scolaires en passant par les cubes en bois et les images d'Epinal, l'auteur, de maisons d'éditions en maisons d'éditions nous énumère les genres d'abécédaires que l'on pouvait trouver au fil du temps. Et les genres, finalement, ils sont les mêmes d'un éditeur à l'autre et nous voilà alors avec les abécédaires pour filles et pour garçons, ceux avec les animaux domestiques et les animaux sauvages, ceux dédiés à la bonne éducation et à la bonne orthographe, ceux concernant les métiers ordinaires et extraordinaires, ceux consacrés à l'évolution technologique (une source inépuisable!), ceux dits militaires où l'on retrouve en détail costumes et armes... Et pour chaque maison, on reprend la série avec quelques clins d’œil toutefois pour ne pas rendre la lecture totalement inintéressante.

 

Ainsi, on trouve de la diversité dans l'illustration :

« … à la lettre K, par exemple, les images montrent un « Kabile de l'Afrique, Ayant le teint couleur de brique », un « képi », un kakatoès », « Kérodec, le loup de mer et un « kroumir ». »

 

Comme l'abécédaire est avant tout une base pour apprendre à lire, à chaque lettre correspond soit une petite phrase soit même un court texte que l'enfant rapidement maîtrisera. Fin du XIXème siècle, on trouve ainsi à la lettre G le mot associé Glaneuse avec cette belle définition :

« Elles sont attentives et alertes, car il leur faut n'oublier aucun grain si elles veulent que fructueuse soit leur récolte, et disputer aux petits oiseaux la part à laquelle ceux-ci prétendent avoir droit. » D'une simplicité enfantine donc ;-)

 

Mais qu'on ne s'y trompe pas, l'abécédaire n'est pas réservé exclusivement aux bébés et enfants en âge scolaire, et les publicistes des grands magasins ont bien compris l'intérêt de ce genre d'outil pour faire la publicité des différents rayons et ce dès le milieu du XIXème siècle. Et là, ce sont les adultes qui sont ciblés à coup de potages, de biscuits, de chocolats et de médicaments miracles. Plus amusants, toujours pour les adultes, les abécédaires comiques où les caricaturistes s'en donnent à cœur joie. Et avec l’avènement des cartes postales début du XXème siècle viennent aussi les abécédaires « amoureux », ceux consacrés aux soldats en temps de guerre et ceux moqueurs, presque méchants, pour les domestiques…

 

Un exemple en passant :

« Euphémie, qui laissait tomber son ratelier dans le pot-au-feu » ou encore « Zoé, qui lavait la salade dans le seau hygiénique ».

 

Du parchemin à la toile indéchirable en passant par le simple papier, le bois et le carton, l'abécédaire s'est démocratisé rapidement et est devenu un incontournable pour les familles où il trônait en bonne place dans la pièce à vivre.

 

Plus que l'histoire d'un objet, c'est l'Histoire que l'on peut lire à travers ces abécédaires, tous pareils et pourtant tous différents et riches des us et coutumes du temps qui passe. On y trouve alors l'évolution des jouets pour les filles et pour les garçons, la diversité des jeux en extérieur et leurs transformations au fil du temps, la richesse du langage de tous les jours mais aussi celui de la rue et des bouffonneries. Une mine d'informations donc pour étoffer l'histoire de nos aïeux, une petite fenêtre colorée sur leurs vêtements, leurs amusements et leurs environnements.

 

En conclusion, les illustrations sont géniales et donnent vraiment envie de trouver chez un brocanteur un ou l'autre de ces anciens abécédaires. Pour le texte par contre, après la liste des maisons d'édition, l'auteur passe en revue la liste des illustrateurs qui, même si certains sont connus comme Jean de Brunhoff (papa de Babar) ou encore Joseph Porphyre Pinchon (papa de Bécassine), est assez fastidieuse à lire. Néanmoins, un tout bon documentaire sur l'histoire de l'abécédaire, premier livre des touts-petits ;-)

Et pour terminer joyeusement cette critique, pourquoi pas la lettre J :

« Le jardinier chasse le jeune jars qui joue jusque sur les jacinthes. »

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21 février 2017 2 21 /02 /février /2017 08:39

 

Génial… J'avais oublié à quel point Mme Benzoni prenait à cœur l'Histoire pour y faire vivre son intrigue.

Et la précision est bien là, dans la description des lieux, dans celle de l'ambiance de l'époque et aussi dans les rapports particuliers entre les protagonistes réels. Ainsi, on vit au plus près le pseudo-couple Louis XIII et Anne d'Autriche, on ressent la haine des uns et l'opportunisme des autres pour le Cardinal, on baigne dans ce monde de courtisanerie où l'amitié et la fidélité sont des qualités rares, on respire les effluves parfumées des flagorneurs de tout poil et celles peu ragoûtantes des bas-fonds, on observe enfin le jeu du pouvoir ou plutôt des pouvoirs.

Avec une plume enlevée, l'auteure nous conte joliment un secret qui mêle sécurité de l’État, vengeance, enquête criminelle, amitié et surtout, amour.

Et c'est là que je ne me dis à chaque fois : « Et si c'était vrai ? »… Eh bien, l'Histoire n'aurait pas changé d'un iota ;-)

 

« Elle semblait sous le coup d'une grande émotion. Il y avait des traces de larmes sur son beau visage blond, presque aussi pâle que l'énorme fraise « en meule de moulin » qui avait l'air d'offrir sa tête sur un plateau de mousseline empesée. »

 

« Son éminence possède à un point achevé le sens du décors et du drame. Il joue de sa pourpre en artiste. Sans doute parce qu'elle évoque celle du bourreau et qu'il aime à faire peur... »

 

« Point n'est besoin non plus d'être toujours ensemble. Le véritable amour supporte tout : l'éloignement, les séparations, la solitude et même la mort. »

 

Et le livre se termine comme il a commencé, à part l'âge de notre héroïne bien sûr. Et moi, je vais devoir attendre pour lire la suite de tomber sur un item qui lui corresponde… C'est trop injuste ;-)

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16 février 2017 4 16 /02 /février /2017 11:11

 

Souvenirs bruts sans fioritures, souvenirs tronqués par le prisme du temps, souvenirs floutés par les brumes alcooliques, souvenirs travaillés d'un poète.

Tranches de vie, un instant de pure joie, une journée particulière, une semaine de sexe, un mois d'abstinence, une veillée mortuaire, une nuit de cauchemar, un trimestre d'amour toujours, le temps qui passe inexorablement en laissant des traces plus ou moins visibles, comme des cicatrices de vie.

Éclats d'humour, gestes d'humeur, éclats de rire, larmes futiles, tout y passe et se répète au cours de ces 43 nouvelles pleines de vie et de mort et qui passent sans complexe du passé au présent et du présent au passé. Pas de continuité donc, juste l'égrainage de sensations, d'odeurs, d'émotions qui se retrouvent et se recoupent parfois sans tenir compte du fil du temps.

Une plume riche, vivante qui transmet parfaitement les ressentis de l'auteure ; elle ne trace que des instants, vifs, horribles, odorants, joyeux, haineux. L'auteure parle avec ses tripes et chaque fois sur un événement particulier, petit ou grand, et son humour alors se déploie en même temps que ses joies et ses chagrins.

Pour le fond, l'auteure n'a finalement pas vraiment besoin d'imagination, sa vie, ses expériences multiples, métiers, maisons et amants, sont largement suffisantes pour nourrir ses écrits. Et c'est pour cela qu'ils touchent car ils sont au plus près de la vie, au plus près de ses vies.

Un peu triste de constater que ce recueil comporte quand même plusieurs nouvelles qui pourraient être à chaque fois des réécritures, avec plus de détails ou juste un temps d'avant ou un temps d'après en plus. Ainsi, pour moi, un choix plus serré aurait été plus puissant en émotions même si le vécu raconté reste le même.

 

« Le bruit des osselets était magique à mes oreilles, comme des baguettes sur un tambour ou bien la pluie, lorsqu'une bourrasque la fait chatoyer contre la vitre. »

 

« J'ai refusé d'aller identifier ton cadavre, Ter, causant bien du tracas. J'avais peur de te frapper à cause de ce que tu as fait. Mourir. »

 

« Voici ce que je sais au sujet de la Mort : plus la personne fut bonne, aimante, heureuse et bienveillante, moins sa mort laisse un vide. »

 

« Lorsque nous sommes devenues amies, à l'âge adulte, nous avons mis plusieurs années à évacuer nos ressentiments et jalousies. Ensuite, alors que nous étions toutes les deux en psychothérapie, il nous a fallu des années pour expulser notre colère contre notre grand-père, notre mère. Notre mère cruelle. Et encore d'autres années pour notre colère contre notre père, le saint, dont la cruauté n'était pas aussi flagrante. »

 

« Dieu accorde l'oubli aux ivrognes parce que s'ils savaient ce qu'ils font, ils en mourraient de honte. »

 

Le San Francisco Chronicle a dit de Lucia Berlin : « L'un de nos plus grands écrivains » et un autre magazine, américain toujours, l'avait qualifiée de « meilleur écrivain dont vous n’avez jamais entendu parler », un peu réducteur pour le monde littéraire américain quand même ;-)

Un grand merci en tout cas à Babelio et aux éditions Grasset pour cet ouvrage reçu dans le cadre de la dernière masse critique.

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12 février 2017 7 12 /02 /février /2017 16:53

 

Un destin brisé, une énigme de l'Histoire ou juste un homme différent…

 

« Louis II est un Wittelsbach. Il sera marqué par l'hérédité des Wittelsbach. Il sera l'incarnation de leur destin. »

 

Pauvre Louis, Prince solitaire, sevré très jeune de l'amour sans faille de sa nounou, éduqué à la dure par un militaire volontaire et fidèle mais qui manque clairement de pédagogie, enfermé dans son rôle d'héritier où la chaleur d'une famille aimante n'a aucune place ; enfant malheureux qui trouvera une échappatoire dans ses rêves de chevalerie.

Pauvre Louis, Roi bien trop jeune, à l'aube de ses vingt ans, qui se réveillera au son de l'Opéra et quel opéra, celui de Wagner. Et l'amour jaillira de ce cœur trop tendre, trop romantique pour cette musique qu'il semble le seul à comprendre et dans lequel le compositeur trouvera comme une âme sœur qui l'accompagnera d'une manière indéfectible jusqu'à la fin.

Et le temps passe pour ce jeune Roi, si grand, si beau, au regard toujours tourné vers le ciel, aux aspirations toujours portées vers l'absolue beauté.

Le temps passe dans un monde irréel, créé hors du temps pour ce roi rêveur et le temps passe aussi dans le monde réel où le roi doit s'investir pour son peuple, pour son royaume. Et c'est bien là le grand paradoxe, malgré ses absences, malgré ses fuites toujours renouvelées, Louis aura toujours à cœur de garder l'indépendance de sa chère Bavière mais aussi l'union fédérée de la grande Allemagne. Union qu'il aurait voulu construite sur l'Art allemand, union qui sera finalement réalisée militairement par Bismarck…

Et ce temps qui passe est source de douleurs aussi : le petit frère du roi sombre dans la démence, Wagner trompe l'amour pur du souverain avec ses nombreuses muses, la politique le presse et le contraint lui qui n'aspire qu'à la liberté et la pureté de l'air qu'il ne trouve que dans ses chers alpages, son homosexualité enfin qu'il ne peut accepter et qu'il combat de toute ses forces le trouble profondément et le mine.

Et, bien que toujours jeune, le Roi s'isole de plus en plus, il ne peut plus supporter la laideur du monde, la musique ne lui suffit plus, il s'investit dans l'architecture. Et, là encore, tout sera dans l’extravagance, trois châteaux, trois rêves : le premier rend hommage au monde de la chevalerie ; le second, un hymne aux Bourbons et le troisième, une réplique de Versailles en l'honneur de Louis XIV. Mais tout cela coûte cher, très cher. Déjà, la population n'a pas oublié la montagne d'argent « gaspillé » pour le cher Wagner et maintenant, ce nouveau délire dispendieux ! Le gouvernement ne va pas se laisser faire et, avec l'aide de quelques domestiques véreux, le roi Louis II de Bavière va être déclaré fou et inapte à gouverner. Plus qu'un complot, c'est une trahison et le peuple l'a bien compris qui a encore essayé de protéger son roi, différent mais pas fou. Mais la ruse l'a emporté sur la fidélité, l'aigle des Alpes ivre de liberté s'est finalement suicidé pour devenir une légende.

 

« Louis II est mort dans un décor romantique où l'eau peut être aussi lisse que l'était la peau du visage de ce jeune monarque ou agitée par une brusque tempête, comme l'était le cerveau de cet homme en proie aux tourments les plus insensés. »

 

Une plume superbe réunit les documents d'archives (lettres, journal intime, rapports médicaux, plans, extraits de presse,…) et nous offre un documentaire qui retrace la vie de Louis II de Bavière qui se lit comme un roman. On peut alors se faire sa propre opinion sur la folie de ce roi qui n'aurait jamais dû être roi. Etait-il dément comme son frère ou juste différent, extravaguant ? En avance sur son temps pour certaines choses comme l'intégration dans ses châteaux des nouveautés technologiques de la fin du XIXème siècle, de la réalisation réelle de simples élucubrations littéraires comme la table qui se dessert toute seule... Ou alors, perdu dans un siècle où le romantisme n'a plus la cote, où seule compte la réalité… Fou pour les médecins à la solde du pouvoir et qui ne l'ont même pas examiné ; homme bienveillant et lucide pour les paysans qui le côtoyaient tous les jours… Une énigme dont l'origine se trouve peut-être aussi dans son ascendance faite de multiples mariages consanguins et dont l'étrangeté se retrouve dans sa seule vraie amie, sa cousine germaine, sa sœur, Sissi, impératrice d'Autriche.

 

« Lointaine, rêveuse, imprévisible, inconséquente, Sissi ressemble à Louis II comme une sœur, mais avec plus de mesure.

Le sang des Wittelsbach ne coule pas dans leurs veines avec le même bouillonnement. Chez Sissi, l'hérédité se fait plus discrète, presque pudique. Chez le roi de Bavière, elle est spectaculaire, hallucinante. Chez elle, le déséquilibre est voilé, chez lui il est effrayant. »

 

 

« Et son amour des fleurs est peut-être sa première passion. Il les aimera au point d'en dessiner un bouquet sur chacune des lettres qu'il écrira plus tard. »

 

« Tout est si paisible ici, ce silence si stimulant, alors que dans le bruit du monde, je suis si malheureux ! »

 

Une histoire magnifique, un destin tragique, une légende vivante dont les réalisations sont toujours bien présentes dans ce magnifique « royaume » de Bavière.

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